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L'euro a-t-il tué notre pouvoir d'achat?

Le 1er janvier 1999, la monnaie unique européenne entrait en vigueur. Vingt ans plus tard, l'heure est aux bilans pour l'euro. Si la croissance économique est enfin de retour en Belgique, pour les citoyens, les bénéfices sont moins clairs, au niveau du poivoir d'achat notamment. Mais est-ce la faute à l'euro?

Qui sont les gagnants et des perdants de l'avènement de la monnaie unique? L'économiste Eric Dor, de l'Ieseg School of Management (Université de Lille), a rassemblé, pour L'Echo, quelques chiffres qui font le bilan de ces vingt dernières années.

La première observation, et sans doute la plus édifiante, concerne le pouvoir d'achat des ménages belges. Avec un tout petit 0,38% de croissance annuelle moyenne du revenu disponible réel depuis l'entrée en vigueur de l'euro, la Belgique est parmi les plus mal lotis de la zone euro, juste devant l'Italie et la Grèce.

Plusieurs facteurs permettent d'expliquer ce qui s'apparente à une quasi stagnation du pouvoir d'achat.

L'inflation tout d'abord. La Belgique connaît une inflation structurellement supérieure à celle de la plupart des autres pays de la zone euro. Or, pour faire ces calculs, on retranche des revenus du ménage l'augmentation du coût de la vie et celle de l'inflation.

Notons que l'augmentation des prix n'a pas le même impact dans toutes les couches de la population. Une récente étude de l'économiste Philippe Defeyt pointait la forte hausse en vingt ans des biens courants. L'eau et l'électricité coûtent deux fois plus cher qu'il y a vingt ans, le mazout de chauffage trois fois plus cher. "Ces augmentations pèsent plus fort sur les petits revenus puisque la part de leur budget qu'ils consacrent à ces consommations est plus élevée que celle des autres consommateurs," note Philippe Defeyt.

L'indexation automatique des salaires devrait normalement pallier, du moins en partie, les désagréments de l'inflation. Mais pour rester compétitive face à ses voisins, la Belgique a fortement encadré les salaires et le saut d'index a été acté en 2015.

Si le tax shift, cheval de bataille de Charles Michel, a permis de faire baisser les impôts payés par les ménages en 2015 et 2016, seules quelques catégories de travailleurs (les bas salaires), ont vu le tax shift compenser l'absence d'indexation des salaires.

Dernier paramètre à prendre en compte pour comprendre l'évolution du pouvoir d'achat en Belgique, l'orthodoxie budgétaire, incarnée par les fameux critères de Maastricht qui obligent chaque pays ait à limiter son endettement sous les 60% du PIB et à maintenir son déficit budgétaire sous les 3%. Un respect qui n'est pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat, à grands coups de cure d'austérité quasi ininterrompue depuis 20 ans.

Enfin, "les revenus des ménages belges ont aussi particulièrement subi les effets négatifs de la politique monétaire de la BCE menée depuis la crise financière. Les taux d'intérêts sur les comptes d'épargne ont été particulièrement abaissés en Belgique, alors que les prix ont eu tendance à augmenter plus que dans la plupart des autres pays de la zone euro,", note le chercheur.

Ainsi pris en tenaille, le pouvoir d'achat des Belges stagne dans un pays qui laisse dormir plus de 266 milliards d'euros sur ses comptes d'épargne.

L'augmentation du pouvoir d'achat reste donc faible en Belgique, alors qu'il progresse davantage chez nos voisins: deux fois plus aux Pays-Bas, près de trois fois plus en Allemagne et aussi en France, pays des gilets jaunes.


(LpR/Picture : Pixabay)

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Journaliste FR @Tagtik - Rubriques politique - société - économie - conflits

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