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Maison de repos : le gouvernement joue-t-il avec le feu ?

De toutes les mesures annoncées hier à l'issue du Conseil National de Sécurité, il en est une qui fait déjà grandement polémique. La décision, prise mercredi, d'autoriser les visites dans les maisons de repos "mais d’une seule personne, toujours la même, qui ne présente aucun symptôme de la maladie depuis 2 semaines", suscite de nombreuses réactions, allant de l'incrédulité à la colère.

Chez les professionnels du secteur, on oscillait entre le désir légitime d’assurer le bien-être des résidents, en rompant leur isolement social et l'incompréhension que cette mesure suscite, tant dans son application concrète que dans ses possibles conséquences sanitaires.

Première observation et elle est de taille : la décision du CNS a été prise sans la moindre concertation avec le secteur des maisons de repos, comme l'a confirmé maladroitement Jan Jambon sur VTM. Pour une question aussi importante et sensible dans des milliers de familles, voilà qui fleure bon l'amateurisme.

Deuxième remarque : comment mettre en pratique ces décisions ? Comment prouver que le visiteur 'autorisé' n'est pas atteint par le Covid-19 ? Et surtout qui va l'attester ? Et comment ? Un visiteur autorisé sain aujourd'hui n'est-il pas demain un potentiel porteur asymptomatique ? Devra-t-il repasser par une visite médicale quotidienne ? L'improvisation semble totale et certains n'hésiteront pas à parler de grand n'importe quoi.

Que se passera-t-il, en cas de mésentente au sein d'une famille, si plusieurs proches ou parents souhaitent visiter un même résident ? La décision du gouvernement ne porte-t-elle pas en elle le germe de la discorde intra-familiale ?

Le visiteur 'élu' devra-t-il porter un masque, des gants, une blouse ? Ou les trouvera-t-il, sachant que dans les maison de repos, on manque cruellement de matériel ? Faudra-t-il mobiliser du personnel et tenir un registre pour vérifier l'identité des personnes entrantes? Avec quels moyens dans un secteur à bout de forces?

Dans les maisons de repos, l'incompréhension est totale et les craintes sont vives. Sans possibilité de tester ni leur personnel, ni leurs résidents avant le 5 mai, cette annonce du gouvernement ressemble à un effet de manche très mal calculé.

Ce que confirme à La Libre un gestionnaire de MSR : "Alors que tous les jours, il faut continuer à se battre pour trouver du matériel, que les tests de dépistage arrivent seulement dans les maisons de repos et que les résultats pourraient amener à redistribuer les équipes, voire à les réduire, cette mesure d'accès pour les familles va clairement demander des têtes et des bras en plus pour être bien gérée et contrôlée, et pour maintenir un haut niveau de protection des résidents et du personnel", regrette-t-il.

Enfin, et c'est un comble pour une mesure annoncée 'urbi et orbi', un flou artistique règne sur la date d'entrée en vigueur de ces visites autorisées. Les autorités de tutelle (Région wallonne et bruxelloise), qui vont devoir les faire appliquer, sont attendues au tournant.

D'autant que l'émoi est grand au sein du personnel des MSR qui craint pour sa santé. Après plus d'un mois de verrouillage 'dur' des maisons de repos et alors que le lockdown commence à porter ses fruits, la mesure à de quoi laisser perplexe. Prétendre lutter contre l'insupportable isolement des seniors en les mettant ainsi en danger, ainsi que ceux qui sont chargés de les protéger, pose de nombreuses questions.

La gestion de la cité se serait bien passée de ce nouvel effet d'annonce mal préparé...

(LpR avec Belga et La Libre/Picture : Pixabay)

LpR

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Journaliste FR @Tagtik - Rubriques politique - société - économie - conflits

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