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Confinement: nos libertés entre parenthèses ?

Dans sa lettre hebdomadaire, le Crisp fait écho aux préoccupations de plusieurs experts* en droit public qui s'interrogent sur la portée des pouvoirs spéciaux accordé à au(x) gouvernement(s) de notre pays. Des pouvoirs spéciaux qui grèvent inévitablement nos libertés individuelles fondamentales, lesquelles sont ainsi provisoirement suspendues, sans que l'on sache exactement jusque quand.

La question paraîtra sans doute triviale à certains en ces temps très difficiles et, pourtant, elle touche aux bases même du fonctionnement de notre démocratie, notent ces juristes éclairés. "Les mesures adoptées pour lutter contre l’actuelle crise sanitaire constituent sans aucun doute des ingérences dans de nombreux droits fondamentaux", indiquent-ils. Quelles que soient les raisons invoquées, on est en effet forcé de constater que nombreux sont nos droits fondamentaux ainsi limités ou bafoués, le mot n'est pas trop fort.

Le courrier du Crisp pointe ainsi en premier lieu la liberté d’aller et venir, "de nombreux lieux (étant) rendus inaccessibles" et "les personnes (étant) tenues de rester chez elles sauf en cas de nécessité ou de raisons urgentes".

Les experts pointent aussi ce qui est selon eux "une des restrictions les plus significatives", à savoir la liberté de réunion, sous réserve d’exceptions très strictes.

Ils relèvent aussi des entraves au respect de la vie privée et familiale, "notamment dans la mesure où les personnes sont susceptibles de devoir justifier leurs déplacements auprès des forces de police".

Un droit aussi évident et fondamental que la liberté de conscience et de religion est lui aussi de facto foulé aux pieds du confinement par "l’interdiction des activités et des cérémonies religieuses, qui ne connaît comme exception que la possibilité d’organiser des cérémonies funéraires, en petit comité, toutefois".

Le rapport du Crisp pointe encore "des ingérences dans le droit de l’enseignement, qui résultent de la suspension des activités dans l’enseignement maternel, primaire et secondaire" et des atteintes indirectes à la liberté d’expression "par la fermeture des théâtres et des cinémas ou par la difficulté d’accéder à des livres".

Les experts en droit public notent aussi un recul du "droit de propriété, notamment en ce qui concerne les fermetures des commerces, magasins, établissements et entreprises qui ont lieu d’office ou en conséquence du non-respect de certaines règles prescrites".

"Ces mesures ont un caractère inédit depuis la Seconde Guerre mondiale. Vu leur nature et leur ampleur, on ne voit pas comment de telles mesures pourraient, dans un contexte ordinaire, être jugées conformes aux droits fondamentaux évoqués, même si ceux-ci n’ont pas - sauf exceptions - un caractère absolu. La gravité de la pandémie - confirmée par le nombre croissant de cas et de décès - et les perspectives catastrophiques annoncées par les scientifiques et les médecins sur le terrain permettent toutefois aux autorités d’appuyer les décisions exceptionnelles sur des objectifs légitimes, comme la protection de la santé publique et la protection des droits d’autrui", jugent les juristes.

En conclusion, on relèvera quand même que, si tous les Belges n'adhèrent pas sans réserve au confinement imposé, la grande majorité de la population semble accepter que ses libertés soient ainsi restreintes. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnellement tolérées ?

(* Frédéric Bouhon, Andy Jousten, Xavier Miny de L'ULiège ainsi qu’Emannuel Slautsky de l'ULB)

(LpR - Source : CRISP/Picture : Pixabay)

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Journaliste FR @Tagtik - Rubriques politique - société - économie - conflits

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